Comment se gère une garde à vue?

En France, environ 2.200 personnes sont placées en garde à vue chaque jour, soit environ 800.000 par an. Quelles sont donc les modalités concrètes de son déroulement, les écueils à éviter et les actions à envisager – afin que cette mesure puisse être vécue la moins péniblement possible et influencer efficacement la défense de la personne soupçonnée ?

La « Garde à vue » fait partie de notre quotidien.

Fréquemment relayée par les médias dans de multiples affaires, mise en scène au cinéma, elle reste cependant une procédure méconnue pour la majorité d’entre nous, et parfois considérée à tort comme symbole de culpabilité d’une personne – conforté par l’adage absurde « il n’y a pas de fumée sans feu »…

En France, environ 2.200 personnes sont placées en garde à vue chaque jour, soit environ 800.000 par an.

Bien que les dispositions du Code de procédure pénale stipulent les conditions de sa mise en œuvre, il existe peu d’indications pratiques à la compréhension et à la maîtrise du déroulé d’une garde à vue, en faveur du mis en cause.

Quelles sont donc les modalités concrètes de son déroulement, les écueils à éviter et les actions à envisager – afin que cette mesure puisse être vécue la moins péniblement possible et influencer efficacement la défense de la personne soupçonnée ?

Parce qu’au delà d’une mesure privative de liberté, la garde à vue est une épreuve – un mélange de marathon et jeu d’échec face auquel le mis en cause doit être mis en condition, dans l’idéal préparé.

Conformément à l’article 63 du Code de Procédure Pénale, la garde à vue permet de restreindre la liberté d’aller et venir d’une personne pour les besoins d’une enquête ou d’une instruction, au sein des locaux des services de police judiciaire.

La liberté de cette personne est restreinte car il existe contre elle une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie par une peine de prison.

La garde à vue, une épreuve

La garde à vue est une épreuve.

Elle est une épreuve parce qu’elle limite la liberté d’aller et venir d’une personne.

Elle est une épreuve parce que la personne sera enfermée dans une cellule sans le moindre confort : inconfort matériel, odeurs désagréables, températures variables suivant les saisons, nuisances sonores potentielles provenant d’autres gardés à vue…

Elle est une épreuve car, durant cette mesure, les autorités de police judiciaire vont mettre à mal, pour les besoins de l’enquête ou de l’instruction, la dignité du mis en cause, notamment en le menottant et pratiquant des fouilles.

Une épreuve enfin car, à l’heure actuelle, l’avocat du gardé à vue n’a pas encore le droit d’accéder à l’intégralité du dossier qui met en cause son client. Cela a logiquement pour conséquence une « navigation à vue » car l’ensemble des éléments en possession des enquêteurs n’est pas connu du mis en cause et de son conseil.

Face à cet état de fait et de droit, l’adaptation est de mise. Une garde à vue se gère, parfois même se prépare.

La garde à vue, une préparation physique & psychologique

Je vous accorde qu’il apparaît quelque peu incohérent d’évoquer une préparation à une mesure dès lors que, la plupart du temps, le futur mis en cause est libre d’aller et venir puisqu’il ne sait pas, à date, qu’il va être placé en garde à vue.

Effectivement, dans la majorité des cas, il est bien évidemment impossible de prévoir un événement de ce type.

Pour autant, dans certaines situations, il se peut qu’une personne soit susceptible de penser qu’elle pourrait être soupçonnée dans une affaire où d’autres personnes de son entourage ont été préalablement ou sont actuellement entendues ou placées sous le régime de la garde à vue.

Dans ce type de situations, il est possible de prévoir un certain nombre de dispositions.

Sans rentrer dans une paranoïa stérile, ces dispositions ont le mérite d’être toutes simples et de s’éviter des désagréments ou états d’âme psychologiques dans le cas où une garde à vue devrait avoir lieu – risquant, sous le coup de l’émotion, de détourner l’attention du mis en cause de son but premier, à savoir se défendre efficacement :

Ceci étant explicité, rentrons plus concrètement dans le vif du sujet et du placement proprement dit en garde à vue.

Comme il a été évoqué plus haut, la garde à vue, en tant que mesure privative de liberté, est compensée par un certain nombre de droits accordés au mis en cause par le Code de procédure pénale.

Ces droits doivent obligatoirement lui être notifiés dès le début de la mesure par les services de police judiciaire.

Ces droits quels sont-ils ? Et surtout, comment les utiliser concrètement et utilement durant la mesure ?

La garde à vue, des droits

Lorsque le mis en cause est informé de son placement en garde à vue, il doit impérativement, sous peine de nullité de la mesure, être informé des droits qui lui sont accordés par la loi, à savoir :

Le non respect de ses droits est susceptible de rendre nulle la procédure.

La garde à vue, apprendre à gérer et maîtriser le temps de la procédure

La durée d’une garde à vue est variable. De 24 heures plus les infractions « routières », elle peut durer jusqu’à 96 heures (pour les infractions particulièrement graves et complexes), voir 144 heures pour les actes de terrorisme.

Ainsi, pour certains types d’infractions, une garde à vue peut être longue, voir très longue.

Comme il a été vu plus haut, les conditions d’enfermement sont loin d’être optimales, les nuits sont courtes, il est difficile de se repérer dans le temps – le gardé à vue va donc puiser beaucoup de son énergie.

Dans ce type de situation où, paradoxalement, le temps peu apparaître comme un « luxe » – tout le temps qui peut être gagné sur la procédure est bénéfique pour le mental du client afin qu’il se retrouve dans
les meilleurs conditions physiques et psychologiques face aux enquêteurs lors des auditions.

L’objectif est donc double : Préserver son énergie & Maîtriser le plus possible le temps de la procédure.

Maîtriser le temps de la procédure

La maîtrise du temps de la procédure se retrouve notamment dans un des droits accordés au gardé à vue, celui d’être examiné par un médecin.

Il s’agit généralement de conduire le gardé à vue aux urgences médico-judiciaires (UMJ) afin de faire constater que son état de santé est compatible avec une telle mesure privative de liberté.

Bien que ne débouchant que très exceptionnellement vers une incompatibilité, cet examen médical a un double mérite :

Si la mesure de garde à vue devait être prolongée, il est conseillé de solliciter de nouveau à être examiné par un médecin.

Préserver son énergie

Préserver ses forces se retrouve naturellement dans le fait de s’alimenter correctement.

Inutile de préciser qu’en garde à vue, la nourriture proposée ne relève bien évidemment pas des mets savoureux des tables étoilés. Qu’importe. Il faut s’alimenter effectivement, ne pas sauter les heures de repas, demander à boire et à se soulager toutes les deux heures.

Dans le cas où ces demandes seraient refusées ou reportées pour un temps anormalement long et des raisons illégitimes, en informer immédiatement son avocat qui, dans le cadre de ses observations sur la procédure, n’oubliera pas de le mentionner.

La garde à vue, c’est surtout un avocat

Un des droits accordés au gardé à vue est celui d’être assisté par un avocat dès le début de la procédure.

L’avocat pourra être directement choisi par le mis en cause qui indiquera aux officiers de police judiciaire son identité afin que ce dernier soit prévenu par la permanence du barreau.

Dans l’hypothèse où il serait injoignable ou si le gardé à vue n’en connaitrait pas, il pourra lui en être commis un d’office.

Le mis en cause aura enfin la possibilité et le choix de se défendre seul sans solliciter son assistance.

Un entretien avec son avocat durant 30 minutes dès le début de la garde à vue et à chaque prolongement de la mesure

Le Code de procédure pénale stipule que le mis en cause peut communiquer avec son avocat pendant une durée ne pouvant excéder 30 minutes. Lorsque la garde à vue fait l’objet d’une prolongation, le gardé à vue peut, à sa demande, s’entretenir à nouveau avec son avocat dès le début de la prolongation.

Le mis en cause peut également demander à ce que son avocat assiste à ses auditions et confrontations.

La présence de l’avocat, dès le début de la mesure, est nécessaire, pour plusieurs raisons :

La préparation de l’audition en amont avec son avocat

Le Code de procédure pénale interdit à l’avocat d’intervenir durant l’audition de garde à vue.

L’objectif de l’avocat est ainsi de conseiller de son client, en amont des auditions, afin qu’il ait bien à l’esprit cette exigence. Plusieurs règles d’ordre général s’imposent donc :

L’audition face aux enquêteurs en présence de son avocat

L’objectif du placement d’une personne en garde à vue est, pour les officiers de police judiciaire, sous le contrôle du ministère public ou du juge d’instruction, d’entendre et d’interroger une personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

L’ensemble des auditions sera recueilli sur un procès-verbal.

1 : L’importance capitale du procès-verbal d’audition

Le procès-verbal-verbal d’audition, communément appelé PV d’audition, est le rapport qui sera rédigé par les officiers de police judiciaire suite aux auditions du gardé à vue. Ils seront ensuite intégrés à son dossier pénal.

Chaque acte de police judiciaire doit être écrit. Et l’audition de garde à vue en fait bien évidemment partie.

L’enquête ou l’instruction s’apparente ainsi à l’écriture d’un livre, généralement établi par ordre chronologique (de la saisine des OPJ jusqu’au déferrement du mis en cause).

Dans le cadre d’une procédure pénale, le procès-verbal d’audition a une importance capitale.

Schématiquement, il représente, en un, le passeport, le curriculum vitae et la lettre de motivation du suspect.

Tout ce qui sera dressé sur le PV permettra aux magistrats de se faire une idée du dossier, de la personnalité du mis en cause et de son éventuelle responsabilité.

C’est la raison pour laquelle il est impératif que le PV d’audition reflète le plus fidèlement possible l’exact  teneur des entretiens et la personnalité du mis en cause.

Chaque phrase, chaque réponse compte. Il est donc nécessaire d’éviter toute réponse susceptible de créer une confusion, une mauvaise interprétation, ou susceptible d’handicaper toute stratégie de défense future.

À l’issue de l’audition, une relecture de l’ensemble du procès-verbal doit être opérée avec soin et minutie. Si le mis en cause considère que ces propos ont été mal retranscrits, il doit en informer les enquêteurs afin que soient opérées les modifications subséquentes.

Dans l’hypothèse où l’audition relèverait une certaine tension avec les enquêteurs, il est nécessaire de la retranscrire au procès-verbal.

2 : Le doit au silence …

Concrètement, il s’agit ici du droit de ne pas s’auto-incriminer. Cela signifie que ce n’est pas au mis en cause de rapporter la preuve de sa culpabilité ou de son innocence, mais bien aux OPJ de mener l’enquête.

En règle général, le contexte est le suivant. Durant l’audition de garde à vue, ce sont  les enquêteurs qui posent les questions et « mènent le bal ». Recourir au silence doit donc avoir « stratégiquement » pour but d’inverser les rôles, savoir plus précisément de quoi est constitué le dossier, à charge comme à décharge… Ainsi, le gardé à vue, lorsqu’il n’est pas en mesure de savoir où souhaitent l’emmener les enquêteurs,  peut déclarer : « Je refuse de répondre à votre question ».

En aucune manière le droit de recourir au silence ne doit être interprété comme un aveu de culpabilité.

Dans l’hypothèse où les enquêteurs reviendraient plusieurs fois sur la même question à laquelle le gardé à vue leur aurait opposé son droit au silence, l’avocat sera en mesure de le mentionner au procès-verbal au motif que le droit de son client à ne pas s’auto-incriminer n’est pas respecté.

Le recours au silence doit être envisagé dans des circonstances bien précises, comme par exemple dans le cadre d’arrestations groupées, d’affaires concernant d’autres personnes susceptibles de contredire les déclaration du suspect, ou dans le cadre de la poursuite d’infractions complexes ou les enjeux et les risques pour le gardé à vue sont importants.

Ce droit peut également avoir pour but de contrôler sa parole en ne répondant qu’aux questions permettant de faire avancer sa thèse.

Compte-tenu que le mis en cause ne dispose pas (encore) du droit d’accéder à l’intégralité de la procédure le concernant, le droit au silence s’avère bien entendu nécessaire pour mieux comprendre et être informé par les officiers de police judiciaire des éléments à charge et éventuellement à décharge du dossier.

L’objectif n’est autre que de constituer son dossier au moyen de l’interrogatoire, en s’en servant non pas comme un handicap mais bel et bien comme une arme.

Au fur et à mesure des auditions et du déroulé de la garde à vue, le suspect et son avocat seront en mesure de reconstituer le puzzle de la procédure.

La réforme de la procédure pénale est actuellement en projet.

Il est à espérer que cette réforme verra consacrer de nouveaux droits au gardés à vue, indispensables à la consécration effective du droit à un procès équitable, notamment l’accès pour l’avocat à l’intégralité de la procédure concernant son client placé sous le régime de cette procédure.